Mémoires et miroirs

 L’Afrique doit se réconcilier avec son passé pour pouvoir se tenir debout dans le présent et marcher dans l’avenir, disait Kwameh Nkrumah. Cette citation entre en parfaite harmonie avec l’analyse qu’on s’apprête à faire sur l’identité des peuples africains à travers le thème : « Mémoires et miroirs ».

Il est difficile de se retrouver avec soi dans un environnement bourré d’influences négatives, dans un monde qui évolue à une vitesse exponentielle, dans une société où on cherche quotidiennement à incarner ce qu’on n’est pas réellement. Par conséquent, on finit toujours par perdre de vue ce qui constitue notre véritable identité. Et osons le dire, les peuples africains sont en conflit avec leurs racines. L’Afrique se trouve dans une impasse gouvernée par un passé tumultueux, un présent inassouvi et un futur incertain. Pourquoi une telle affirmation ? Pour répondre à cette, il est judicieux de remonter jusqu’au début des calvaires des peuples africains. 

L’identité des peuples africains, une mémoire en constante évolution

Les peuples africains vivaient en parfaite cohésion sociale avec une pleine conscience des principes, valeurs, cultures, rites et traditions richement diversifiés qui fondent leur identité. Afrique, berceau de l’humanité : une formule bien méritée. Il était impensable pour un africain de renier ou remettre en question son identité. Mais, à l’arrivée de la colonisation, les choses ont changé. Rien n’est plus ce qu’il était. L’harmonie sociétale de l’Afrique a été brisé. Les civilisations florissantes des empires africains ont été sauvagement piétinées. Là, une crise identitaire a vu le jour… Le blanc a réussi à nous monter les uns contre les autres pour qu’on se fasse la guerre au lieur d’agir ensemble pour l’émergence de l’Afrique. On peut le voir à travers les différents conflits internes des empires et royaumes africains ou même la bataille opposant les HUTUS et les TUTSIS au Rwanda. Ce génocide ayant occasionnés des millions de pertes humaines, a jailli d’un complexe racial, des frontières artificielles, semer par les colons. Face à un cheminement aussi tumultueux, se perdre devient facile. Il faut le dire, les peuples africains se sont perdus en cours de route.

2. A l’ère de la mondialisation et du numérique, le défi pour chaque africain de se reconnecter à son identité est encore plus ardu. Les réseaux sociaux constituent l’arme de propagande utilisée par l’occident pour détourner la mentalité des jeunes africains. De même que certaines entreprises de presse qui se permettent d’écrire et de publier tout et n’importe quoi sur l’histoire africaine : ils promeuvent une certaine désinformation pour étouffer la version officielle des faits. Cela peut se voir à travers la falsification démesurée du massacre des tirailleurs au camp de Thiaroye en 1944. C’est comme si l’occident folklorise le mal profond qu’il a causé à ces peuples pour en réduire la gravité. Pire, il cherche à faire de l’Afrique un coupable de ses malheurs et de prendre la place de l’héros qui est venu le tirer d’affaire. Sinon le président français Emmanuel Macron n’aurait pas eu l’audace de déclarer publiquement, sur un ton tristement ironique que « l’Afrique a oublié de dire Merci à la France ». C’est assez drôle. Qui plus est, ceux qui sont conscients de la gravité de la crise identitaire et qui cherchent à conscientiser leurs semblables sont réduits en silence malgré leurs projets inassouvis. D’un autre côté, ceux qui préfèrent soutenir la manipulation occidentale sont élevés au rang le plus haut. Heureusement, quelques dirigeants africains prennent conscience de cette réalité. C’est pourquoi au courant de ces années la relation entre l’Afrique et l’occident est devenue très tendue surtout avec le retrait des bases militaires françaises au Mali, Côte d’Ivoire, Sénégal etc. Même les relations diplomatiques ne sont plus en bon terme.

Nul ne peut se faire un nom et une place dans ce monde avec une identité qui ne lui appartient pas. L’identité de soi est un miroir que l’on traine le long du chemin. C’est le sel de notre mémoire. Si la majorité des peuples africains fuient leurs racines pour adopter l’identité occidentale, alors le futur de l’Afrique sera incertain. L’identité est ce qui fait la quintessence d’un être humain même si elle est en perpétuelle évolution. La connaissance du monde commence d’abord par la connaissance de soi. Nous sommes la somme de notre histoire, de nos ancêtres, de notre culture, et de nos rêves (koffi Annan). Quand on ne sait plus où l’on va, on doit retourner d’où l’on vient. Mieux, il faut reculer pour mieux sauter. Il est temps que l’Afrique retrouve ses fidèles enfants. Il est temps que l’Afrique sort de cette impasse qui l’empêche de respirer.

La mentalité des peuples africains, un miroir complétement fissuré 

L’Afrique est en quête d’elle-même, comme on peut le constater dans le roman de l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane intitulé l’aventure ambiguë. Cela se justifie par le déracinement constant des africains surtout les jeunes. La mentalité africaine est comparable à un miroir fissuré où l’on se regarde sans se voir clairement. Les colons ont réussi à semer en nous des graines de soumission qui se sont traduites en un complexe d’infériorité. Ce qui fait qu’on ne valorise plus les sacrifices de nos ancêtres, nos héros, la beauté de notre mélanine (dépigmentation excessive), les traits de notre visage (chirurgie esthétique), les principes de vie qui nous démarquent des autres, les langues natales qui définissent qui nous sommes réellement. La colonisation se présente maintenant sous une nouvelle forme. Une forme plus douce mais plus dangereuse. Ce n’est pas tout. L’Afrique a été et est toujours celle qui endosse le fardeau mondial. La colonisation est un exemple pertinent, car cette dernière façonne jusque-là la mentalité des africains. L’indépendance n’est qu’une illusion. Qu’on l’accepte ou pas, c’est la triste réalité.

La souveraineté identitaire, un atout primordial à l’émergence de l’Afrique

Partout dans les médias, réseaux sociaux, débats publics, on parle de souveraineté africaine, soit alimentaire, soit économique. On en parle sans cesse. Mais on oublie un élément capital à l’émergence d’un pays ou d’un continent et c’est la souveraineté identitaire. A travers les arguments précédents, on peut mesurer avec précision l’importance de la souveraineté identitaire dans le développement de soi, des pays et du monde entier. Les peuples africains doivent se réconcilier avec leur identité, leurs racines et leurs valeurs. L’histoire a besoin de la mémoire africaine pour exister. Les peuples africains ont besoin d’un miroir tout neuf où ils verront la trajectoire du continent à travers le temps et l’espace. Ainsi, ils auront en connaissance et en conscience toutes les dures épreuves qui ont secouées le continent ainsi que les batailles que les ancêtres ont menées au nom de la dignité africaine. Aucun pays ou continent ne peut embrasser le succès avec une politique qui lui est étrangère. Il faut se débarrasser totalement et entièrement de ce nouveau mode de vie et ces comportements hérités de la colonisation. L’Afrique a besoin de prendre du recul, de reprendre son souffle. En conséquence, les peuples africains doivent faire une introspection profonde. Il nous faut nos langues natales, nos croyances et nos valeurs. Il nous faut notre véritable identité…


                                                                                                                 Fatou Ndiaye

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Dakar livres, 1er salon du livre de jeunesse et pour enfants au Sénégal

De l'art sur Dakar, la semaine de l'écrivain africain et la Biennale au menu

Miss Littérature Sénégal, la beauté intelligente